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La loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, modifiée par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a introduit un profond bouleversement dans le traitement des expulsions pour dettes locatives. Elle substitue à une logique d'ordre public, une logique de prévention. La loi prévoit en effet dans le parc privé comme dans le parc social qu'un juge saisi par un bailleur d'une demande d'expulsion ne pourra statuer avant un délai de deux mois. Ce délai doit être mis à profit pour faire le diagnostic de la situation sociale de la famille afin de fournir au juge des éléments d'information qui peuvent lui être utiles pour prendre sa décision. Ces deux mois doivent aussi être un moment privilégié pour résoudre les difficultés du locataire. Tel est le rôle de l'enquête sociale réalisée généralement par les travailleurs sociaux qui ne sont pas forcément bien informés de tous les dispositifs qui peuvent être mobilisés et des procédures y afférent. La loi du 29 juillet 1998 prévoit, en effet, dans son article 114 (article 24 de la loi du 6 juillet 1989), qu'à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation du bail ainsi que l'assignation tendant au prononcé de la résiliation du bail (article 188 de la loi du 13 décembre 2000 dans l'article 24 précité) sont notifiées par l'huissier de justice au préfet au moins deux mois avant l'audience. Ce délai doit être mis à profit pour saisir, en tant que de besoin, les organismes dont relèvent les aides au logement : section départementale des aides publiques au logement (SDAPL), caisse d'allocations familiales (CAF) ou mutualité sociale agricole (MSA), le fonds de solidarité pour le logement (FSL) ou les services sociaux compétents. La même loi a donné de nouveaux pouvoirs aux magistrats en disposant que le juge peut accorder à tout moment, et même d'office, des délais de paiement au locataire en situation de régler sa dette locative. Aussi l’article 117 (article 62 de la loi du 6 juillet 1989) précise que le juge qui ordonne l'expulsion ou qui statue sur des délais peut, même d'office, décider que l'ordonnance ou le jugement sera transmis, par les soins du greffe, au représentant de l'État dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l'occupant. La circulaire du 9 février 1999 relative à la prévention des expulsions locatives pour impayés, signée conjointement par les ministres de l'équipement, du transport et du logement, de la justice, de l'intérieur et par le secrétaire d'État au logement demande aux préfets de veiller à ce que, dès réception de l'assignation, les services sociaux compétents soient saisis d'une demande d'enquête sociale en urgence visant, d'une part, à mettre en place, pour les locataires le nécessitant, les aides susceptibles d'être mobilisées et, d'autre part, à informer le juge de la situation des ménages sur les causes de l'impayé. Enfin la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a renforcé le dispositif de prévention des expulsions. La loi introduit deux nouveautés dans la loi du 6 juillet 1989 : - pour les locataires de bailleurs publics, la saisine de la section départementale des aides publiques au logement est dorénavant obligatoire, sous peine d'irrecevabilité de la demande aux fins de constat de résiliation de bail ; (art L353-15-1 et L442-6-1 du code de la construction et de l'habitation). - enfin, le dispositif de prévention des expulsions prévu à l'article 24 est désormais applicable aux demandes reconventionnelles aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation motivées par l'existence d'une dette locative. La notification de cette demande reconventionnelle au représentant de l'État incombe au bailleur. La loi prévoit aussi la possibilité de conclure un protocole, entre bailleurs publics et locataires dont le bail a été résilié par décision judiciaire pour défaut de paiement de loyer et de charges et qui s'engagent, dans ce cadre, à payer régulièrement l'indemnité d'occupation et les charges et à respecter un plan d'apurement de leur dette locative. Ce protocole vaut titre d'occupation du logement et donne droit aux aides personnelles au logement (articles L353-15-2, L353-19, L442-6-5, L442-8-2 et L472-1-2 du code de la construction et de l'habitation). Le rôle majeur qu'a joué l'enquête sociale dans la prévention des expulsions a conduit l'ensemble des ministères impliqués dans le plan de cohésion sociale mis en place par le gouvernement, à réaliser le guide ci-joint qui se veut un outil pédagogique destiné à améliorer la prévention des expulsions. Ce guide s'adresse principalement aux travailleurs sociaux mais aussi à l'ensemble des acteurs de terrain concernés par la procédure de prévention des expulsions, notamment les magistrats. Il a pour objectif de présenter de manière pratique l'ensemble des actions qui doivent concourir à la réalisation de l'enquête sociale, élément clé du dispositif. À titre de rappel, le schéma ci-après (cf. page suivante) resitue le déroulement de la procédure depuis la naissance de l'impayé de loyers jusqu'à l'expulsion locative. Pour faciliter son utilisation, ce guide comprend trois parties consacrées aux modalités de mise en œuvre de l'enquête sociale, aux informations à transmettre au juge ainsi qu'à l'articulation entre l'enquête sociale et l'accompagnement social lié au logement. Il est complété par les références aux textes législatifs et réglementaires les plus importants, un lexique des sigles, ainsi que par des annexes qui permettront au lecteur de compléter ses informations sur les différents points abordés dans ce document.   schéma de l’enquête sociale Action 1 — Mobilisation du locataire  la prise de contact avec le locataire  l’aide à l’accès au droit en matière de logement Action 2 — Assistance du locataire par un avocat devant le tribunal Action 3 — Vérification de la situation du locataire au regard des aides personnelles au logement  dans le parc public  dans le parc privé Action 4 — Articulation entre le FSL, les procédures de surendettement et de rétablissement personnel  le FSL  le Locapass  les procédures de surendettement et de rétablissement personnel Action 5 — Demande de relogement  relogement dans le parc social  relogement dans le parc privé Action 6 — Vérification de l’état du logement  l’insalubrité  le péril  la décence Action 7 — Contact avec le bailleur 7 9 8 9 10 16 17 19 20 20 25 26 27 28 28 13 15 19 25 27 29  Définition des informations à transmettre au juge  grille de l’enquête sociale à l’attention des magistrats Modalités de transmission de la grille d’enquête sociale Annexes relatives à l’Action 1 Annexe relative à l’Action 2 Annexes relatives à l’Action 4 Annexes relatives aux Actions 5 et 6 41 43 73 79 93 31 37 39 31 32 34 35  La mise en place d’une méthode de travail entre les services sociaux chargés de l’enquête sociale relative à la prévention des expulsions locatives et les services de l’État est nécessaire. Afin d’utiliser au mieux le délai de deux mois entre l’assignation et l’audience, des passerelles doivent être instaurées dans le but de garantir un traitement exhaustif et rapide des dossiers des locataires concernés et de favoriser les échanges d’informations. En effet, aucun retard ne doit être pris dans la procédure administrative de transmission aux services sociaux, des informations contenues dans les copies d’assignations. De la même manière les modalités de retour de l’enquête sociale au préfet aux fins de transmission au juge doivent être définies précisément afin que le magistrat puisse prendre connaissance de ce document pour le jour de l’audience. Le schéma ci-après (Cf. page 8) permet de visualiser toutes les actions à entreprendre dans le délai de deux mois imparti pour réaliser l’enquête. Chacune de ces actions est identifiée dans des encarts numérotés qui renvoient à des informations et préconisations détaillées ci-après. La numérotation ne répond qu’au seul souci de faciliter la lisibilité de ce document et n’induit aucune hiérarchisation dans l’ordre des actions à entreprendre. On constate que, face à une menace d’expulsion, les locataires, et particulièrement les personnes les plus démunies, s’enferment souvent dans une logique d’évitement. Ainsi, un grand nombre de décisions d’expulsion sont prises en l’absence des principaux intéressés. En outre, les personnes assignées, lorsqu’elles se présentent à l’audience, sont rarement assistées d’un avocat, faute, le plus souvent, d’avoir été informées, suffisamment tôt, de l’existence et de l’utilité d’une telle assistance et des modalités d’obtention de l’aide juridictionnelle. C’est pourquoi, l’enquête sociale ne doit pas se réduire à une simple procédure administrative écrite. Il s’agit d’une véritable démarche d’accompagnement qui a pour objectif de sensibiliser le locataire à sa situation en le responsabilisant pour qu’il se présente à l’audience, afin d’expliquer sa situation et de s’engager à résorber sa dette. L’enquête sociale doit aussi être l’occasion de donner au locataire toute information utile à la compréhension de sa situation, que ce soit sur la procédure contentieuse en cours ou sur les différents dispositifs d’aides qui peuvent être sollicités. L’accès à une information claire tout au long de la procédure et l’assistance d’un avocat devant le tribunal d’instance favoriseront cette mobilisation du locataire. La prise de contact avec le locataire Le premier contact avec le locataire est primordial car il va conditionner la réussite de l’enquête sociale. Il est important que le locataire ne ressente pas celle-ci comme un début de procédure précontentieuse. Il est donc préférable d’éviter l’envoi d’une lettre recommandée qui pourrait inquiéter son destinataire. L’envoi d’une lettre simple aura un meilleur impact surtout si elle est rédigée dans des termes suffisamment clairs et pédagogiques pour mobiliser le locataire dès le début. En amont de la phase d’enquête, lorqu’il s’agit d’une assignation, les huissiers peuvent jouer un rôle d’alerte en informant le locataire dès la délivrance du commandement de payer, sur les démarches à entreprendre.Cette information préalable contribue à la mobilisation de ce dernier. En outre l'huissier doit systématiquement envoyer copie de l'assignation, et le bailleur copie de sa demande reconventionnelle au Préfet. La demande reconventionnelle faisant l'objet de l'article 64 du nouveau code de procédure civile, correspond en matière de logement à la situation où un bailleur dans le cadre d'une procédure judiciaire engagée à son encontre par le locataire (pour par exemple contester le montant des loyers qui lui sont réclamés), demande au juge non seulement le rejet de la prétention du locataire, mais aussi, la résiliation de son bail. À ce stade, le préfet peut adresser au locataire un courrier l’informant de la gravité de la procédure engagée à son encontre, de la nécessité de se présenter à l’audience et l’invitant à utiliser le délai de deux mois précédant l’audience pour rechercher des solutions ACTION 1 Mobilisation du locataire à ses difficultés. Ce courrier l’incitera à rencontrer un travailleur social ou lui signalera les structures susceptibles de lui apporter des informations sur les étapes de la procédure (coordonnées des maisons de justice et du droit, de l’ordre des avocats, de l’association départementale d’information sur le logement (ADIL), et de toute autre association locale pouvant lui être utile). Un second courrier sera ensuite adressé par le service chargé de réaliser l’enquête sociale afin de proposer une rencontre. (Cf. en annexe, un modèle de courrier envoyé dans les Bouches du Rhône) Lorsque le contexte local le permet, il est conseillé de prévoir des relances téléphoniques ou de préférence, une visite. Un déplacement au domicile du locataire, après l’avoir prévenu, peut se révéler beaucoup plus efficace qu’une invitation à se présenter au bureau du travailleur social et permet de rétablir la communication dans un premier temps avec le locataire, puis parfois avec le bailleur. Après avoir établi un premier contact avec le locataire, l’un des enjeux majeurs de la procédure consiste à le rendre acteur de la résolution de ses difficultés en matière d’impayés. L’aide à l’accès au droit en matière de logement Dans un domaine où les règles juridiques sont particulièrement complexes, seul l’accès à une information claire et présentée de façon pédagogique peut permettre au locataire de s’impliquer dans la recherche de solutions. L’aide à l’accès au droit, telle que définie par la loi du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, vise à permettre à toute personne de bénéficier, notamment, d’une information sur ses droits, d’une orientation vers les organismes chargés de leur mise en œuvre, d’un accompagnement dans ses démarches. La mise en œuvre de l’aide à l’accès au droit repose sur les Conseils Départementaux de l’Accès au Droit (Cf. en annexe la liste des CDAD).  Cependant, l’information et l’assistance du locataire ne représentent qu’une première étape. Dans bien des cas, l’accompagnement des personnes faisant l’objet d’une procédure d’expulsion doit se poursuivre devant le tribunal. C’est pourquoi, il est essentiel que le locataire puisse bénéficier, au-delà d’une information sur ses droits et d’un diagnostic de sa situation, de l’assistance d’un avocat devant le juge d’instance et, chaque fois que possible, d’une prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle. Il est possible de distinguer différents niveaux d’aide à l’accès au droit. Un locataire en situation d’expulsion peut, avec l’appui du travailleur social chargé de l’enquête sociale, accéder à une information soit :  d’ordre général sur les démarches à effectuer à chaque étape de la procédure sous forme de documentation pédagogique. Cependant, dans bien des cas, ce premier niveau d’information ne suffit pas à mobiliser les locataires concernés par une expulsion.  à caractère juridique, plus personnalisée. Cette information pourra être délivrée dans le cadre de permanences d’accueil gratuites, assurées par divers intervenants qualifiés: avocats spécialisés, associations.Elles ont notamment vocation à offrir au ménage en difficulté une écoute, une information sur la procédure dans son ensemble, une orientation vers les dispositifs d’aide mobilisables, une explication des décisions de justice.  un troisième niveau d’aide consiste à proposer aux locataires en difficulté un véritable diagnostic juridique et social de la situation et une expertise de la dette. Cette expertise peut-être réalisée par des professionnels du droit. Les ADIL peuvent aussi être utilement sollicitées pour assurer cette expertise. (Cf. en annexe, la liste et les coordonnées des ADIL) ACTION 2 Assistance du locataire par un avocat devant le tribunal L’assistance des locataires devant le tribunal d’instance relève de la compétence exclusive des avocats, à l’exclusion de tout autre intervenant. En effet, les avocats disposent d’un monopole s’agissant de la représentation des parties devant le tribunal et sont seuls habilités à accomplir certains actes de procédure. Lorsqu’une association spécialisée intervient en amont pour informer les locataires assignés sur leurs droits, il est néanmoins essentiel de prévoir une articulation avec le barreau pour permettre l’accompagnement des intéressés au-delà de la phase précontentieuse. La présence de l’avocat à l’audience suppose, au préalable, s’agissant de locataire ayant, le plus souvent, des revenus modestes, l’accès à l’aide juridictionnelle. Compte tenu des délais nécessaires à l’instruction des demandes, le travailleur social doit, dès qu’il est saisi de la situation, vérifier que le locataire remplit les conditions ouvrant droit à l’aide juridictionnelle. Ces conditions sont essentiellement d’ordre financier: pour un demandeur sans personne à charge, le plafond des ressources s’établit en 2004 à 830 € mensuels pour obtenir une prise en charge à 100 %, 1 244 € pour une aide partielle. Ces plafonds sont majorés de correctifs familiaux (Cf. en annexe la fiche technique sur l’aide juridictionnelle). Il convient, cependant, de rappeler que s’agissant d’une procédure dont l’enjeu est le maintien dans le logement, l’article 6 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique peut être invoqué. Cet article permet, à titre exceptionnel, aux personnes ne remplissant pas les conditions de ressources de bénéficier néanmoins de l’aide juridictionnelle « lorsque leur situation apparaît comme particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ». Les imprimés de demande d’aide juridictionnelle peuvent être retirés au tribunal, en mairie ou en Maison de Justice et du Droit. Ils doivent être adressés, accompagnés des pièces justificatives, au bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance dont dépend le domicile du locataire. Cependant, les délais d’instruction des demandes d’aide juridictionnelle sont souvent trop longs comparativement aux délais qui encadrent la procédure d’expulsion. C’est pourquoi, certains bureaux d’aide juridictionnelle ont aménagé une procédure de traitement en urgence de la demande afin que cette aide puisse être mobilisée à bref délai et que l’avocat ait suffisamment de temps pour préparer la défense. Ce type de procédure d’urgence peut être mis en place, à l’initiative du CDAD, au moyen d’une convention avec le Barreau, telle que celle conclue à Marseille, dans le cadre de l’antenne juridique et sociale de prévention des expulsions locatives. Cette convention peut prévoir, par ailleurs, la possibilité de désigner un avocat parmi une liste de volontaires, ayant tous suivi une formation spécifique. Compte tenu de la complexité de la procédure, il est souhaitable que les avocats désignés soient préalablement informés, notamment sur les aspects sociaux de celle-ci (conditions d’obtention des aides financières, compétence des différents professionnels du secteur social, cadre de réalisation de l’enquête sociale…). Enfin, il est nécessaire de rappeler que la présence du locataire devant le juge reste déterminante, qu’il soit assisté par un avocat ou non.
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