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Les immigrés récemment arrivés en France

 

Christian Jacob : "Macron est un pompier pyromane"

Paris Match. Le 30 septembre aura lieu à l’Assemblée un débat sur l’immigration. Opportunité ou piège pour la droite ?

Christian JacobUn moment où les masques vont tomber. Jamais la France n’a été aussi laxiste en matière d’immigration. Le nombre de demandes d’asile est de 123 000 en 2018 [+ 26 % depuis 2016], alors qu’il baisse partout en Europe. Trente-trois mille demandes ont été acceptées, mais que signifie ce chiffre lorsqu’on sait que 90 % des déboutés restent sur le territoire ? Que dire aussi des 262 000 titres de séjour accordés en 2018 [un record depuis plus de quarante ans] ? Emmanuel Macron agit de façon cynique. Il multiplie les déclarations d’intention mais se garde bien de prendre des mesures concrètes. C’est le pompier pyromane.

Faut-il réformer l’aide médicale d’Etat ? Mieux encadrer le droit d’asile ? Mettre en place des quotas d’immigration ?

Je suis favorable à des quotas et à une réforme totale de l’AME, devenue un puits sans fond. Pourquoi aussi ne pas mieux encadrer les reconduites à la frontière des déboutés du droit d’asile ? Au pouvoir depuis deux ans et demi, le président doit maintenant agir. La France pourrait proposer une harmonisation des conditions du droit d’asile entre les différents pays européens ; suggérer la mise en place d’une force navale européenne pour lutter contre les passeurs ; conditionner l’aide au développement à l’obligation pour les pays bénéficiaires d’accepter le retour de leurs ressortissants. Il y a des choses à faire. Mais ce débat n’est pas là pour faire, il est là pour paraître. C’est un leurre.

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Attention à l’effet boomerang

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Vous ne trouvez donc aucune qualité à Emmanuel Macron ?

Détrompez-vous. Depuis 2017, nous avons voté près de 40 % des textes de loi proposés qui nous semblent aller dans le bon sens. Pour le reste, nous sommes sévères. Le chef de l’Etat est trop souvent dans le faux- semblant. Il parle beaucoup, s’agite, mais trompe les Français en occultant les chiffres qui le desservent. En deux ans, la dépense publique – que Macron avait pris l’engagement de baisser – n’a cessé d’augmenter : elle est de 51 milliards d’euros contre 33 milliards au temps de Hollande. La dette s’est alourdie de 170 milliards. Les prélèvements obligatoires ont franchi la barre de 45 % du PIB. Le déficit de notre balance commerciale atteint 60 milliards d’euros. Les contre-performances s’accumulent. Personne n’en parle. C’est un jeu de dupes. Les Français ne sont pas idiots. Attention à l’effet boomerang.

Les immigrés récemment arrivés en France Une immigration de plus en plus européenne Chantal Brutel, cellule Statistiques et études sur l’immigration, Insee De 2004 à 2012, 200 000 immigrés sont entrés chaque année, en moyenne, sur le territoire français. Compte tenu des décès et des départs, la population immigrée a crû en moyenne de 90 000 personnes par an. Début 2013, elle représente 8,8 % de la population française. De 2004 à 2009, les entrées en France sont restées stables, puis ont augmenté, de 2009 à 2012, en raison essentiellement de l’afflux d’Européens.  Le profil des immigrés qui entrent chaque année en France évolue au cours de la dernière décennie. La part des femmes continue d’augmenter, dans la lignée d’un mouvement datant du milieu des années 1970. Celle des personnes originaires d’Europe se renforce : près de la moitié des immigrés entrés en France en 2012 sont nés dans le continent contre un tiers dix ans auparavant. L’immigration d’origine européenne est majoritairement portugaise, britannique, espagnole, italienne ou allemande. Depuis 2008, malgré la hausse du niveau de diplôme, la part des immigrés déclarant occuper un emploi l’année de leur arrivée en France est stable. Elle varie toutefois fortement selon le pays d’origine. Six nouveaux migrants sur dix vivent en famille l’année de leur arrivée en France, qu’ils aient migré ensemble ou rejoint un membre de leur famille précédemment installé.

 

5,8 million d’immigrés en France début 2013

Début 2013, 5,8 millions d’immigrés vivaient sur le territoire français, soit 8,8 % de la population résidant en France. C’est 800 000 de plus qu’en 2004 ; ils représentaient alors 8,0 % de la population.

L’augmentation de la population immigrée résulte des entrées sur le territoire (flux d’immigration), diminuées des décès et des sorties du territoire. Chaque année, en moyenne, entre 2004 et 2012, 200 000 immigrés sont arrivés en France (soit 0,3 % de la population), 50 000 sont décédés et 60 000 ont quitté le territoire, par exemple à la fin de leurs études ou de leur séjour professionnel en France. Les flux d’entrées sont plus importants dans les pays de l’OCDE (0,6 % de la population). De 2009 à 2012, le nombre d’entrées d’immigrés augmente après une période de stabilité (2004-2009). Courant 2012, 230 000 immigrés sont arrivés en France, soit 28 000 de plus qu’en 2004 (figure 1). De 2004 à 2012, le flux d’immigration a augmenté au rythme moyen de 1,6 % par an, soit autant que dans l’ensemble des pays de l’OCDE.

Figure 1 – Évolution du nombre d'entrées d'immigrés depuis 2004 par continent de naissance

Évolution du nombre d'entrées d'immigrés depuis 2004 parcontinent de naissanceChamp : France.Source : Insee, enquêtes annuelles de recensement de 2005 à 2013.030 00060 00090 000120 000150 000180 000210 000240 000200420052006200720082009201020112012EuropeAfriqueAsieAmérique et océanieEnsemble des entréeslib1lib1blib2lib2blib3229 600 -----229 600 -----229600-----22960020042012

Une immigration de plus en plus européenne

Parmi les immigrés entrés en France en 2012, près d’un sur deux est né dans un pays européen et trois sur dix dans un pays africain (figure 2). L’immigration d’origine européenne est majoritairement portugaise, britannique, espagnole, italienne ou allemande. Ces cinq pays représentent 57 % des entrées d’immigrés nés en Europe et un quart de l’ensemble des entrées en 2012. Les nouveaux immigrés d’origine africaine viennent quant à eux pour moitié des pays du Maghreb. Enfin, les nouveaux immigrés nés en Chine (3 % des entrées en 2012) sont presque aussi nombreux que ceux nés en Allemagne.

Entre 2009 et 2012, le nombre d’entrées d’Européens a progressé fortement, de 12 % par an en moyenne ; cette hausse explique l’essentiel de celle du nombre total d’entrées (figure 1). Plus de la moitié de l’augmentation des entrées d’Européens est imputable à trois pays qui ont déjà connu par le passé des vagues d’émigration importantes vers la France : le Portugal, l’Espagne et l’Italie. En particulier, le nombre de nouveaux immigrés espagnols et portugais a doublé ou presque sur la période, conséquence de la crise économique qui touche leur pays.

Toujours entre 2009 et 2012, le nombre d’immigrés arrivés en France en provenance d’Afrique a augmenté légèrement (+ 1 % par an, en moyenne). La hausse est portée par les entrées d’immigrés originaires du Maroc ou de Tunisie (+ 2,4 % et + 2,9 % par an), tandis que celles en provenance d’Algérie diminuent (− 2,6 % par an). Moins nombreuses, les entrées d’immigrés natifs d’Amérique et d’Océanie augmentent de 4 % en moyenne par an et celles des Asiatiques reculent légèrement (− 1 % par an).

Figure 2 – Pays de naissance des immigrés entrés en France en 2012 et part des femmes

Pays de naissance des immigrés entrés en France en 2012 et part des femmes
Pays de naissance Entrants en France en 2012 (en %) Part des femmes (en %)
Ensemble 100 54
Europe 46 51
Portugal 8 45
Royaume-Uni 5 51
Espagne 5 51
Italie 4 49
Allemagne 4 54
Roumanie 3 49
Belgique 3 50
Russie 2 60
Suisse 2 55
Pologne 2 55
Afrique 30 54
Maroc 7 56
Algérie 7 56
Tunisie 3 44
Asie 14 59
Chine 3 67
Turquie 2 54
Amérique, Océanie 10 56
États-Unis 2 58
Brésil 2 54
  • Champ : France.
  • Source : Insee, enquête annuelle de recensement de 2013.

Une immigration européenne un peu plus âgée

Début 2012, l’âge moyen des immigrés vivant en France est de 45 ans, contre 40 ans pour l’ensemble de la population résidant en France. Les nouveaux immigrés arrivés en 2012 sont bien plus jeunes puisque leur âge moyen est de 28 ans ; la moitié d’entre eux sont âgés de 19 à 36 ans à leur arrivée. Hommes et femmes immigrés ont à peu près les mêmes âges à leur entrée en France. L’immigration en provenance d’Europe survient à des âges un peu plus élevés que pour les autres continents ; notamment, un immigré sur quatre originaire de Belgique entre en France au-delà de 49 ans et un sur quatre originaire du Royaume-Uni au-delà de 56 ans (figure 3). L’immigration asiatique est plus jeune : un immigré sur deux en provenance d’Asie arrive en France entre 20 et 33 ans ; en particulier, un sur deux originaire de Chine arrive âgé de 20 à 26 ans.

Toutes origines confondues, 17 % des immigrés entrés en France en 2012 sont âgés de moins de 16 ans.

 

Figure 3 – Âge à l'entrée en France des immigrés arrivés en 2012 par continent/pays de naissance

symboles_defaut.xml,triangle_bassymboles_defaut.xml,carresymboles_defaut.xml,triangle_hautÂge à l'entrée en France des immigrés arrivés en 2012 parcontinent/pays de naissanceLecture : 50 % des immigrés nés en Europe sont arrivés en France entre 19et 39 ans (troisième quartile) ; 25 % sont arrivés après 39 ans et 25 %sont arrivés avant 19 ans (premier quartile).Champ : France.Source : Enquête annuelle de recensement de 2013.051015202530354045505560âge à l'arrivée en 2012EnsembleEuropeRussieEspagneSuisseAllemagneItaliePortugalRoumaniePologneBelgiqueRoyaume UniAfriqueMarocTunisieAlgérieAsieChineTurquieAmérique, OcéanieEtats-UnisBrésilPremier quartileÂge médian à l'arrivéeTroisième quartilelib1lib1blib2lib2blib333 ans-----33 ans-----33-----33EnsembleBrésil

Une immigration asiatique très féminine

Jusqu’au milieu des années 1970, les flux d’immigration étaient majoritairement masculins, concourant à combler les besoins de main d’œuvre ; les femmes représentaient alors 44 % des flux d’immigration. En 1974, un frein est mis à l’immigration de main d’œuvre non qualifiée ; les migrations familiales, qui sont majoritairement composées de femmes venant rejoindre leur conjoint, prennent alors une part croissante dans les flux ; les femmes représentent alors 58 % des flux d’entrée. De plus, à partir du milieu des années 1980, les femmes migrent de plus en plus souvent pour d’autres raisons que familiales, par exemple pour trouver un emploi en adéquation avec leur diplôme ou pour suivre des études (bibliographie). Ces évolutions affectent les flux d’entrées durant plusieurs décennies, si bien que les femmes sont désormais majoritaires dans la population immigrée, particulièrement entre 20 et 30 ans (figure 4).

Par ailleurs, entre 2004 et 2009, la part des femmes parmi les entrées d’immigrés variait peu selon le continent de naissance. Depuis, un écart apparaît entre les immigrés originaires d’Asie et d’Europe : parmi les entrées en 2012, 59 % des immigrés originaires d’Asie sont des femmes contre 51 % de ceux originaires d’Europe (figure 2). La situation de l’Asie s’explique principalement par la forte immigration féminine d’origine chinoise.

 

Figure 4 – Pyramide des âges des entrées d'immigrés en 2012 et de la population immigrée début 2013

Pyramide des âges des entrées d'immigrés en 2012 et de lapopulation immigrée début 2013Note : les données présentées ici sont arrondies à la dizaine.Champ : France.Source : Enquête annuelle de recensement de 2013.015 00030 00045 00060 000015 00030 00045 00060 000Âge05101520253035404550556065707580859095 et +Entrées d'hommesImmigrés hommesEntrées de femmesImmigrées femmeslib1lib1blib2lib2blib36710 personnes-----6710 personnes-----6710-----6710095 et +

Des nouveaux arrivants de plus en plus diplômés

63 % des immigrés entrés en France en 2012 sont au moins titulaires d’un diplôme de niveau baccalauréat ou équivalent et un quart est sans diplôme (figure 5). Parmi les pays contribuant le plus à l’immigration, les moins diplômés sont les ressortissants du Portugal et de la Turquie (respectivement 56 % et 57 %). À l’inverse, plus d’un immigré sur deux en provenance des États-Unis, de Chine, d’Espagne, d’Italie ou de Russie possède un diplôme supérieur.

Entre 2004 et 2012, toutes origines confondues, la part des immigrés ayant un diplôme au moins équivalent au baccalauréat a augmenté de 7 points, dont 2 points entre 2009 et 2012. Les immigrés en provenance d’Asie expliquent 55 % de la progression d’ensemble depuis 2009. De fait, neuf Chinois sur dix entrés en France en 2012 sont au moins titulaires d’un diplôme de niveau baccalauréat. Les immigrés en provenance d’Afrique expliquent 42 % de la progression depuis 2009 : la part des plus diplômés augmente de 5 points pour les Marocains et de 4 points pour les Tunisiens, de plus en plus de jeunes bacheliers venant poursuivre leurs études supérieures en France. En revanche, les immigrés en provenance d’Amérique ou d’Océanie contribuent peu à l’accroissement de la part des plus diplômés (12 %). Quant aux Européens, ils contribuent même négativement (− 9 %) puisque la part des plus diplômés diminue légèrement entre 2009 et 2012. Toutefois, la situation est très variable selon le pays d’origine. L’immigration portugaise, nettement moins diplômée que celle des autres origines européennes en 2009, le reste en 2012, mais la part des sans-diplôme diminue. Ainsi, les entrées en provenance du Portugal sont aujourd’hui presque équilibrées entre les non-diplômés et les diplômés.

Figure 5 – Niveau de diplôme des immigrés entrés en France en 2012

en %

Niveau de diplôme des immigrés entrés en France en 2012
Pays de naissance Aucun diplôme Brevet des collèges, CAP ou BEP Baccalauréat ou équivalent Supérieur
Ensemble 27 10 24 39
Europe 24 11 25 40
Portugal 56 17 13 14
Royaume-Uni 17 7 26 50
Espagne 15 7 22 56
Italie 9 9 27 55
Allemagne 9 12 38 41
Roumanie 28 15 22 35
Belgique 19 10 27 44
Russie 25 5 19 51
Suisse 15 16 30 39
Pologne 18 12 29 41
Afrique 35 12 24 29
Maroc 35 10 32 23
Algérie 37 13 17 33
Tunisie 26 13 25 36
Asie 23 6 23 48
Chine 11 3 25 61
Turquie 57 11 18 14
Amérique, Océanie 16 5 23 56
États-Unis 6 4 18 72
Brésil 26 6 23 45
  • Champ : France, hors personnes de moins de 16 ans.
  • Source : Insee, enquête annuelle de recensement de 2013.

Les Européens plus fréquemment en emploi l’année de leur arrivée en France

Parmi les immigrés de plus de 16 ans et non étudiants entrés en France en 2012, 40 % déclarent occuper un emploi l’année de leur arrivée (figure 6). Ce taux d’emploi est moindre que celui de l’ensemble de la population immigrée de plus de 16 ans et non étudiante résidant en France début 2013 (47 %). Parmi les immigrés européens entrés en France en 2012, 55 % déclarent occuper un emploi début 2013, soit deux fois et demie plus que les Africains (21 %). Ces différences s’expliquent en partie par la structure des populations par sexe, âge et niveau de diplôme. En 2012, la part des immigrés ayant un emploi est particulièrement élevée parmi les immigrés originaires d’Allemagne, d’Espagne et du Portugal (70 %).

Entre 2004 et 2008, la part des nouveaux immigrés déclarant occuper un emploi avait augmenté de 6 points pour atteindre 41 %. Elle s’est ensuite stabilisée, malgré la hausse des niveaux de diplôme, suite à la crise économique. En 2012, les femmes arrivées dans l’année ont moins souvent un emploi que les hommes immigrés (29 % contre 52 %). Le taux d'emploi des femmes n'augmente que progressivement avec la durée de présence en France car elles migrent davantage pour raison familiale.

Figure 6 – Part des immigrés entrés en France en 2012 se déclarant en emploi début 2013

Part des immigrés entrés en France en 2012 se déclarant enemploi début 2013Champ : France, hors étudiants et personnes de moins de 16 ans.Source : Insee, Enquête annuelle de recensement de 2013.0102030405060708090en %Continent/Pays de naissanceEnsembleEuropePortugalRoyaume UniEspagneItalieAllemagneRoumanieBelgiqueRussieSuissePologneAfriqueMarocAlgérieTunisieAsieChineTurquieAmérique, OcéanieÉtats-UnisBrésilHommesFemmesMoyennes tous pays confonduslib1lib1blib2lib2blib328 %-----28 %-----28-----28EnsembleBrésil

Six nouveaux migrants sur dix vivent en famille

Toutes origines confondues, plus de la moitié des immigrés entrés en France en 2012 et âgés de plus de 20 ans déclarent vivre en couple l’année de leur arrivée. Les femmes sont plus souvent en couple que les hommes (57 % contre 46 %). Le pourcentage d’immigrés déclarant vivre en couple l’année de leur arrivée a progressé entre 2004 et 2009 mais il diminue depuis, qu’il s’agisse des hommes ou des femmes.

Les Européens arrivés en France en 2012 se déclarent moins souvent en couple que les Africains ; l’écart entre les deux origines se creuse depuis 2010. Hommes et femmes immigrés en couple vivent plus souvent avec un conjoint immigré qu’un conjoint non immigré : ceci est particulièrement le cas des immigrés originaires d’Asie. Dans sept cas sur dix, l’homme immigré qui se déclare en couple l’année de son entrée en France est arrivé accompagné de sa conjointe, alors que ce n’est le cas que d’une femme sur deux. Un quart des immigrés âgés de plus de 20 ans et arrivés en France en 2012 déclarent vivre en couple avec enfant début 2013 et 2 % sont le parent d’une famille monoparentale.

Lundi dernier, le Président disait vouloir «regarder en face» l'immigration. Pour l'artiste Chloé Peytermann, la regarder en face, c'est comprendre qu'il n'y a qu'une seule solution, l'accueil.

Tribune. Oui, Monsieur Macron, c’est ce que nous faisons tous les jours, chaque jour, parfois la nuit, nous les solidaires, dans les associations, collectifs, lieux d’accueil, chez nous, accueillant des personnes dans nos maisons, agissant dans la rue, lors des maraudes, payant des habits, des brosses à dents, des cartes SIM, des forfaits téléphones, des billets de train, de bus, utilisant nos comptes Blablacar, faisant des trajets en voiture, des rendez-vous à la préfecture, la CAF, le CCAS, l’hôpital, écrivant des courriers à la CPAM, signant des attestations d’hébergement, photocopiant des passeports, et toutes les pages s’il vous plaît, pour obtenir une AME, suivant par Whatsapp, Facebook, le parcours de tel jeune, si esseulé, dans telle ville, cherchant pour lui des relais, un lieu où dormir, ou seulement ce que l’on trouve : un endroit où se laver, un petit-déjeuner, une soupe solidaire, un lieu où trouver des antidouleurs pour la dent, le genou, le dos, qui le fait tant souffrir. Chercher des infos, des assos, des conseils juridiques, expliquer, réexpliquer, faire traduire, laisser son portable allumé la nuit, au cas où A., M., Y., ait un gros souci ; donner des cours de français, s’informer, se former, lire des papiers, des bouquins, des études, voir des documentaires, faire des émissions radio, des films, organiser des soirées, des débats, des tables rondes, des projections, des récoltes de dons. Se remettre en cause, souvent.

Regarder l’immigration en face, oui, nous le faisons aux frontières de la France, au Pays basque, dans la Roya, à Briançon, à Calais, dans toutes les villes du pays, et même dans nos villages, prêtant des apparts, payant des loyers, intégrant des personnes sans-papiers dans nos clubs de sport, bataillant pour une famille contre les OQTF absurdes alors que les parents ont une promesse d’emploi et que les enfants vont à l’école ici, depuis des années.

Regarder l’immigration en face c’est sourire, écouter, essayer de comprendre, jouer aux cartes, être là, c’est voir combien l’ennui est un gouffre quand on n’a pas d’endroit où vivre, et surtout aucun droit de travailler, c’est voir combien une journée peut être longue, et combien on est prêt à tout pour jouer au foot, au Uno, couper des légumes, n’importe quoi pour arrêter de penser, c’est sentir comme une nuit est longue, quand chaque fois, l’insomnie est là.

Regarder l’immigration en face c’est accueillir cette personne dans le bureau du refuge, parler un petit moment avec elle, et vite sentir combien elle va mal, et que quand on lui demande où elle a mal elle vous répond «dans tout le corps». Ces personnes disent ça pour nous dire combien elles souffrent dans leur chair, mais surtout dans leur âme, et certaines que l’on croise sont si blessées, si abîmées, que l’on se sent totalement démuni, car les relais sont tout à fait absents, nous n’avons aucune aide pour les prendre en charge psychologiquement, réellement, sur le long terme. Elles sont livrées à elles-mêmes, au sens le plus strict. C’est révoltant et parfois effrayant.

Regarder l’immigration en face c’est rire, danser, jouer avec ces personnes venues de loin, bricoler avec des bouts de papier, des gestes, des applis pour se faire comprendre, c’est apprendre des mots de haoussa, wolof, poular, arabe, écouter leur musique, parler, cheminer un moment ensemble, avant un autre train, un autre bus, une autre ville. Rester en lien parfois, se donner des nouvelles, s’envoyer des photos, être un ancrage, si petit soit-il. C’est créer des amitiés aussi.

Pleurer parfois, parce que l’on se sent si empêché, si écrasé par la situation d’impuissance dans laquelle vos politiques nous placent ! Regarder l’immigration en face ? Ce serait avant tout comprendre que le règlement Dublin (1) doit être abrogé d’urgence car il est absurde, inégalitaire, inefficace et si cher ! Votre renvoi Dublin, Paris-Milan à 12 000 euros, pour des personnes qui deux semaines plus tard sont à nouveau sur le territoire français… C’est ça votre politique migratoire ? A part renforcer les droites extrêmes en Italie, en Grèce – pays sur lesquels tout le monde se défausse – à quoi sert cet accord Dublin ? Prenons ces 12 000 euros pour accueillir, soigner, enseigner le Français, former, faire accéder à la culture, au sport puis à l’emploi !

Rendons le droit aux ONG de sauver les personnes en mer, réfutons les scandaleux accords avec la Libye, enfer vers lequel aucun être humain ne devrait être renvoyé, trouvons des systèmes de répartition, sans les pays de l’Est s’il le faut, prenons nos responsabilités d’Europe riche dans un monde bousculé et qui fond, retroussons nos manches et arrêtons de croire que notre forteresse pourra tenir ces personnes loin de nous. Elle ne le pourra pas. Il nous faut nous organiser ! Monsieur Macron c’est le mauvais accueil qui fait monter les extrêmes, ce sont les camps informels, les conditions de vie insalubres, les files d’attente devant les administrations. C’est ce refus d’accueil là, le vôtre, qui humilie quotidiennement les exilés, et qui crée la peur, le rejet chez certains Français, faisant voir autrui comme «un autre», un étranger. Le bon accueil, lui, comme il se pratique dans plein d’endroits de ce pays pour une personne ou plusieurs, avec intelligence, créativité, organisation, humanité, ne soulève pas de haine, ne fait pas de bruit, et pourtant il est là, preuve de tant de possibles.

Monsieur Macron, oui, voyez les choses en face, vous et vos partenaires européens, changez de cap. Rencontrez les experts, les ONG, les associations, les personnes qui tous les jours vivent cette réalité qu’est la migration ! Il n’y a pas d’autre solution qu’accueillir. Et nous, nous sommes prêts.

(1) Le règlement Dublin III stipule que le pays responsable de la demande d’asile d’un migrant est le premier Etat membre où sont conservées ses empreintes digitales. Concrètement, cela signifie qu’une personne migrante qui aurait déposé une demande d’asile en Italie et poursuivi sa route vers la France est renvoyée vers l’Italie en cas d’interpellation.

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